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Accueil du site - Lu et vu 2 - Action publique et légitimités professionnelles

LGDJ, "Droit et société", Lextenso éditions, 2008, 347 p.

La bureaucratie n’est plus un modèle général d’organisation qui convient à l’action publique. En cause, l’émergence de nouveaux acteurs publics et privés, l’influence de principes de management alternatif, des situations problématiques inédites à gérer, l’implication croissante des usagers poussent les sciences sociales à réfléchir l’action publique à partir de nouveaux schémas plus ouverts et plus modulables. Ainsi, le recours aux savoirs experts, qu’ils soient ou non issus de professions fortement institutionnalisées, est devenu l’un des traits majeurs de l’action publique contemporaine.

L’ouvrage Action publique et légitimités professionnelles fait se croiser des spécialistes de sociologie des professions et des spécialistes d’analyse des politiques publiques afin d’élaborer, à partir d’études de cas, des outils de réflexion communs. Les problématiques soulevées sont souvent managériales. En effet, il s’agit de conjuguer les démarches verticales de gestion des organisations avec les modalités transversales de gestion des problèmes. Dans cette évolution en marche, Thomas Le Bianic et Antoine Vion approfondissent l’intéressante remise en question des modèles d’autorité que ces mutations induisent. Entre savoirs profanes et savoirs bureaucratiques, comment éviter que les premiers s’institutionnalisent, au risque de retourner dans le modèle inspiré par les seconds ?

Comme le relèvent en introduction les coordinateurs de l’ouvrage collectif, « l’affirmation de l’autonomie professionnelle est le produit d’un fonctionnement organisationnel basé sur la possession d’un savoir spécialisé, et de ce point de vue le corporatisme n’est qu’un cercle vicieux bureaucratique ». La nature des problèmes auxquels les politiques publiques doivent répondre appelle des solutions multiples et un travail collectif qui interdit toute appropriation excessive par une seule profession. De ce fait, les sources de la légitimité professionnelle se démultiplient. La contestation externe des clients et des usagers, ainsi que le contrôle bureaucratique des résultats du travail sont également à prendre en compte dans le nouveau modèle de professionnalisme de la fonction publique. L’ouvrage présenté ici invite à s’interroger sur l’émergence d’un nouveau type de légitimité professionnelle, dont les contours resteraient largement à définir, ainsi que ses conséquences sur les conditions de travail.

L’ouvrage est subdivisé en quatre chapitres qui illustrent différentes approches des modes de légitimation professionnelle. La première partie s’intéresse à l’impact des nouveaux modes de management dans les organisations publiques, en particulier sur les professions à l’identité traditionnellement forte (médecins, éducateurs, inspecteurs du travail, …). La deuxième partie traite du rôle des usagers dans l’évolution des pratiques professionnelles et dans la relégitimation de l’action publique. La troisième partie a trait à l’évolution des savoirs professionnels mobilisés dans l’action publique, la montée de nouvelles formes d’expertise et l’émergence d’actions collectives profanes (associations d’usagers, …). La dernière partie tend à ouvrir différentes pistes de réflexion et à distinguer les enjeux de recherche et les termes du débat. Les questions de fond posées par cet ouvrage collectif sont d’un grand intérêt, d’autant plus qu’il existe encore peu de littérature consacrée à la question des légitimités professionnelles dans le secteur public.

Florence Daury