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PAR LE VICE-PREMIER MINISTRE
ET MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE,
DES ENTREPRISES PUBLIQUES ET DES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES,
STEVEN VANACKERE
Comme dans la plupart des pays européens, la fonction publique belge a évolué considérablement ces dix dernières années à cause de l’importance accrue de la pensée économique dans notre société, sa libéralisation et son individualisation.
Les services publics doivent être en mesure de démontrer leur légitimité, pas seulement sur base de leur mission légale, mais aussi en termes d’efficacité, d’efficience, de transparence et d’orientation vers le client.
Le citoyen qui fait davantage valoir son point de vue, ne se voit absolument pas en tant qu’une personne « soumise » à l’autorité mais exprime des exigences importantes en termes de rapport qualité/prix et de faire plus avec moins.
Les fonctionnaires actuels et futurs sont de plus en plus qualifiés, changent plus fréquemment d’emploi, s’attendent à ce que l’employeur les conseille et les aide à se développer, cherchent de l’harmonie entre leurs propres valeurs et celles de leur employeur, demandent un bon équilibre entre le travail et la vie privée, accordent beaucoup d’importance à une innovation et un progrès qui vont de pair avec le développement durable, le respect de l’environnement, la diversité, le bien-être…
Cet impact croissant de l’aspect individuel et/ou culturel sur l’environnement de travail se voit encore renforcé par un marché du travail étriqué. La guerre des talents bat son plein. En plus, le nombre des jeunes qui se présentent sur le marché du travail, diminue continuellement par rapport au nombre de personnes atteignant l’âge de la pension. Rien que pour l’administration fédérale, 44% des fonctionnaires vont prendre leur retraite dans les dix années qui viennent. Il faut s’armer pour faire face à ce défi.
Ceci n’est qu’une sélection des facteurs externes qui mettent le fonctionnement de l’administration sous pression et qui demandent des réponses rapides et adéquates. La notion d’urgence de « faire mieux ou faire plus avec moins… » est aujourd’hui encore plus aigüe à cause de la crise économique, ce qui entraîne que le débat sur les tâches clés de l’autorité, le nombre d’agents et l’augmentation de l’efficience est omniprésent.
Le colloque d’aujourd’hui et de demain, n’a pas comme but d’entamer la discussion sur les réponses qui doivent être formulées dans les années qui viennent, mais d’examiner les réponses des années précédentes et comment celle-ci ont été vécues sur le terrain.
Pour l’administration fédérale, ce sont surtout : un management de qualité (par l’introduction du système de mandats), une gestion des ressources humaines solide (par l’évolution d’une administration de personnel vers une politique de ressources humaines effective), l’organisation de travail basée sur des processus (par les BPR’s ou projets de Business Process Reengineering) et la nouvelle structure administrative (la matrice virtuelle de services publics horizontaux et verticaux).
Puis-je me limiter à un « good news - show » sur la réforme de l’administration fédérale ? Sommes-nous arrivés à bon port ? Evidemment que non. Une image nuancée s’impose. Des effets secondaires liés à chaque processus de changement se manifestent. Ils demandent notre attention. Ce sont des conditions importantes pour une amélioration réussie.
Il est essentiel que les services publics soient orientés vers le client.
Toutefois, trop souvent on s’imagine que la relation unique entre le citoyen et l’autorité, une relation qui se caractérise par des droits et des devoirs réciproques, peut être réduite à une relation client, produit ou service et fournisseur. Ceci peut être valable pour les entreprises publiques, comme La Poste ou La SNCB (chemins de fers belges), mais n’est pas d’application pour des administrations centrales qui ont souvent un monopole absolu en ce qui concerne leurs missions, comme par exemple le recouvrement des impôts ou la détention d’individus dangereux.
Notre client n’est pas toujours roi, il ou elle ne peut pas devenir un client paresseux qui met ses devoirs de côté et demande uniquement ses droits… tandis que nous, de notre côté, nous avons l’obligation de faciliter au maximum, parfois même automatiser complètement, l’exercice de leurs droits par les citoyens. En tant qu’autorité, nous avons le devoir important de garder un bon compromis et de bien communiquer à ce sujet.
De mon point de vue, l’attention importante de ces dernières années sur les défis du management dans le secteur public, s’est partiellement effectué aux dépens de la culture d’entreprise. Sans vouloir trop romancer le passé, ni dramatiser le présent, la culture de la fonction publique et l’image que le fonctionnaire se fait de lui-même doivent être reconstruits. Confronté aux principes de management, la fonction publique a été fondamentalement mise en question, démystifiée et parfois ridiculisée.
Les agents et la fonction publique ne peuvent pas être réduits à un simple aspect d’exécution. Sinon, le serment solennel et la fierté « d’être fonctionnaire » seront sapés. Nous avons besoin d’un nouveau set de valeurs partagées et d’une mission commune pour l’ensemble de l’autorité fédérale. Ils doivent tenir compte des modernisations et améliorations du passé récent, et simultanément indiquer la direction pour le futur.
Les fonctionnaires actuels et les agents potentiels, les nouveaux chercheurs de plus-value, devront pouvoir s’y identifier et s’en inspirer dans leur attitude professionnelle, afin que nous puissions être et rester un employeur unique.
Nos managers publics doivent évoluer pour devenir de vrais leaders, qui sont capable d’inspirer et de motiver leurs collaborateurs sur base de ces valeurs et cette mission partagées. Ils doivent disposer d’assez d’espace afin d’harmoniser leur vision avec la vision politique, pour ensuite diriger d’une façon suffisamment autonome leurs organisations sur base d’objectifs de résultats et d’impact.
La contractualisation de la relation entre la politique et l’administration, dans des contrats de gestion, est un levier essentiel qui confirme la confiance et le respect mutuel entre les partenaires.
Des futures modernisations ou améliorations réussies doivent alors respecter l’équilibre entre investir continuellement dans une meilleure gestion (mesurer pour comprendre, mesurer les résultats, calculer les coûts, le contrôle interne, les améliorations d’efficience…) et promouvoir la bonne culture publique et la mentalité de la « res publica ».