Le Dictionnaire des politiques publiques de Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot et Pauline Ravinet (dir.) est un ouvrage synthétique et pratique à destination des chercheurs, des politistes mais aussi des professionnels. Une troisième édition actualisée et augmentée vient de paraître, en septembre 2010. Ce travail collectif compte une soixantaine d’entrées reprenant les principaux concepts clés de l’analyse des politiques publiques. L’ouvrage explique l’origine du concept, son développement, ses usages, ses enjeux et les débats qu’il suscite. Les responsables ont aussi veillé à assurer une répartition équilibrée des courants et approches représentant leur discipline.
Une des originalités est d’avoir fait appel aussi bien aux plus grands spécialistes (parfois eux-mêmes auteurs de nouveaux concepts), qu’à de jeunes chercheurs. Parmi les contributeurs les plus éminents, mentionnons Philippe Bezes, Patrice Duran, Jean Leca, Christine Musselin (rencontrée et interrogée par Luc Wilkin pour Pyramides n° 14 au sujet de la réforme des universités), Patrick Lascoumes, Patrick Le Galès, Pierre Muller, Jean-Claude Thoenig , Philippe Warin, etc.. Pour le monde anglo-saxon, on note B. Guy Peters, Paul Sabatier et Mark Thatcher. Steve Jacob, Professeur à l’Université de Laval, qui a été chercheur au CERAP et est membre du Comité scientifique de la revue Pyramides a assuré la notice sur l’évaluation.
Ce livre dépasse un approche franco-française de l’action publique et intègre les courants d’analyse internationaux. Une certaine forme de pluralisme théorique présentant des grilles de lecture différentes voire opposées est ainsi privilégiée avec succès et ouvre des perspectives, en termes de débats théorique et méthodologique.
Conçu comme une « boîte à outils », cet ouvrage de synthèse aborde des concepts émergeant dans le langage courant comme européanisation, gouvernance, évaluation, mise à l’agenda, nouveau management public. Au sujet de ce dernier concept, la lecture de la notice est sans doute à entreprendre en ayant à l’esprit que l’éminent contributeur, B. Guy Peters, Professeur à l’Université de Pittsburgh, analyse la notion de nouveau management public, son impact sur l’administration, ses limites et ses perspectives au regard de la situation de son pays. Selon B. Guy Peters, le NMP est souvent appréhendé en termes de management générique (generic management) ce qui présuppose une similarité entre management public et management privé. Comme apports positifs, l’éminent contributeur d’outre-Atlantique estime que le secteur public est devenu plus efficace et efficient qu’avant l’introduction de ces réformes (moins de personnes pour fournir les mêmes prestations), que les services tendent à être distribués plus rapidement et soulever moins de plaintes. Parallèlement, les apports négatifs peuvent se résumer comme suit, selon l’auteur : en tout premier lieu un abandon des formes traditionnelles de responsabilité des managers par rapport aux élus, ensuite une accentuation des problèmes de coordination, puis la perte d’une part importante de la mémoire organisationnelle du secteur public en raison de la modification des structures de carrière, et enfin des difficultés de contrôle et de surveillance des services dues à l’intervention accrue du secteur privé dans l’administration. Et l’auteur de prudemment conclure qu’ « il incombe aux gouvernements de décider si les bénéfices apportés par le NMP sont supérieurs aux coûts imposés ».
Les notions plus anciennes comme Etat (décrit et commenté avec érudition dans toutes ses conceptions comme être et comme faire par Jean Leca), expertise, groupe d’intérêt ne sont pas mises de côté, mais au contraire revisitées. Elles rendent compte des transformations radicales dans la façon de se représenter et de penser la gestion de la res publica.
Malgré la difficulté d’une approche exclusivement conceptuelle, on ne saurait que vous recommander l’acquisition de cet ouvrage de référence très clair, dans les plus brefs délais, pour autant bien sûr que la construction des politiques publiques et la gestion de la cité vous intéressent…
Alexandre Piraux