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Accueil du site - Repéré pour vous - Livres et revues - Recension. Le nouveau mouvement bruxellois

Ce Courrier hebdomadaire du CRISP paru dĂ©but juillet et rĂ©digĂ© par Jean-Paul Nassaux, membre du CERAP a pour objet officiel « Le nouveau mouvement bruxellois ». En rĂ©alitĂ© son vĂ©ritable objet traite de la dĂ©mocratie et des pratiques dĂ©mocratiques.

Manifesto (2003), Aula Magna (2005) et BruXsel forum (2005) qui sont des groupes ou des associations citoyennes vont unir leurs forces pour constituer ce que Jean-Paul Nassaux appelle le nouveau mouvement bruxellois.

La constitution d’une plate-forme de la sociĂ©tĂ© civile oĂą les trois associations sont rejointes par les interlocuteurs sociaux, les associations environnementales et les rĂ©seaux culturels, fait Ă©merger un projet commun dans le quel apparaissent plusieurs des idĂ©es fortes du mouvement bruxellois : multilinguisme des services, communautĂ© urbaine pour des domaines qualifiĂ©s de « transrĂ©gionaux » tels que l’amĂ©nagement du territoire, la mobilitĂ©, le rĂ©examen de la collaboration entre les communes et la rĂ©gion, liste bilingue, carte d’identitĂ© bilingue pour ceux qui le souhaitent.

Trois universités bruxelloises (FUSL, ULB, VUB) sont également mobilisées pour rejoindre et éclairer la société civile. Fin 2008, début 2009 seront ainsi organisés des Etats généraux de Bruxelles.

Entre-temps un nouveau parti, Pro Bruxsel arrive sur la scène politique oĂą il essaie de se faire une place au soleil. Il obtiendra 1,8 % des suffrages aux Ă©lections rĂ©gionales soit plus que Groen ! et PTB+, et 1,3% aux Ă©lections fĂ©dĂ©rales du 13 juin 2010. L’implantation de Pro Bruxsel est meilleure du cĂ´tĂ© nĂ©erlandophone.

Dans les conclusions des Etats gĂ©nĂ©raux prĂ©sentĂ©es le 25 avril 2009, les auteurs en grande partie universitaires veulent « rĂ©ussir la ville en rĂ©duisant la fracture sociale ». Pour ce faire, ils prĂ©conisent un renforcement des Ă©quipements collectifs et des services au public. Le texte entend aussi associer les usagers des deux autres rĂ©gions et de la fonction europĂ©enne Ă  un pacte mĂ©tropolitain de dĂ©veloppement et de solidaritĂ© (pages 47-48). Jean-Paul Nassaux remarque Ă  ce sujet qu’une telle attention portĂ©e au service public n’est pas habituelle dans les textes du nouveau mouvement bruxellois, sauf sous l’angle linguistique. « Elle est vraisemblablement due aux partenaires syndicaux. » selon l’auteur.

Le Plan culturel pour Bruxelles qui se situe dans la logique des Etats gĂ©nĂ©raux, comporte de nombreuses propositions :
- l’établissement de zones prioritaires en matière de dĂ©veloppement culturel qui devraient ĂŞtre l’axe du canal, le quartier europĂ©en, le Cinquantenaire ;
- la possibilitĂ© pour la rĂ©gion d’imposer un cahier des charges urbanistique et architectural Ă  tout nouveau projet d’infrastructure culturelle d’envergure, quel que soit le pouvoir subsidiant ;
- l’octroi de compĂ©tences culturelles Ă  la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale ;
- la mise en place d’une cellule de coordination pour les affaires culturelles par les deux communautĂ©s, la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande.

Le Plan culturel pour Bruxelles qui est le fruit de la coopĂ©ration entre opĂ©rateurs culturels francophones et nĂ©erlandophones Ă  Bruxelles a dĂ©montrĂ© la possibilitĂ© d’une bonne collaboration intercommunautaire et intra-bruxelloise.

Le 21 juillet 2010, les Etats gĂ©nĂ©raux de Bruxelles se verront dĂ©cerner Ă  Gand, le prix de la dĂ©mocratie 2010.

Selon Eric Corijn (VUB), un des initiateurs de la plate-forme, les Etats gĂ©nĂ©raux « ont percolĂ© » dans la sociĂ©tĂ© civile bruxelloise et influencĂ© certains passages de la dĂ©claration gouvernementale bruxelloise (2009).

Tous ces mouvements ont le mĂ©rite d’ouvrir le dĂ©bat institutionnel Ă  un public plus large en stimulant et suscitant l’ethos dĂ©mocratique par la discussion et l’argumentation et ce mĂŞme si « La dĂ©marche de la plate-forme civile Ă©tait chargĂ©e d’une certaine ambiguĂŻtĂ©, la frontière entre rĂ©flexion collective et engagement dans un projet de ville n’étant pas clairement fixĂ©e ».

Il est aussi sans doute vrai que l’ensemble des participants comptant au reste peu de « nouveaux Belges » ne partagent pas nĂ©cessairement tous les mĂŞmes convictions avec le mĂŞme degrĂ© d’intensitĂ© ; on songe ici notamment Ă  l’approche de la mĂ©tropolitisation [1] favorisant l’angle purement socio-Ă©conomique des relations entre Bruxelles et son hinterland sans aborder la question des droits de la population francophone, Ă  la rĂ©gionalisation de l’enseignement ou Ă  la suppression des communautĂ©s.

Il ressort aussi de ce numéro rigoureux, précis et passionnant pour tous ceux qui ont de l’intérêt pour la constitution de réseaux, associations et mécanismes démocratiques, que les projets mis en avant nécessiteront paradoxalement des pas supplémentaires dans la complexité institutionnelle et administrative.

Un des futurs enjeux est ainsi celui de l’articulation entre les procĂ©dures formalisĂ©es traditionnelles de concertation et les nouvelles consultations (dĂ©bats publics, assises, Etats gĂ©nĂ©raux) souvent plus ambiguĂ«s ou floues. A ce dernier Ă©gard, un nouveau parti comme Pro BruXsel s’essaie au rĂ´le de traducteur ou de passeur de nouvelles idĂ©es. En effet, comment passer du processus dĂ©libĂ©ratif au registre de l’action ?

Ce Courrier hebdomadaire met en Ă©vidence qu’une dĂ©mocratie ne dĂ©signe pas qu’une procĂ©dure Ă©lectorale activĂ©e Ă  intervalles rĂ©guliers, mais un lieu de discussion oĂą les idĂ©es se rencontrent, des hypothèses s’esquissent et oĂą se cherchent des solutions pour Ă©clairer une Ă©poque devenue obscure et illisible.

Alexandre Piraux

notes:

[1] La mĂ©tropolisation se caractĂ©rise par l’ Ă©talement urbain, la dispersion des centralitĂ©s, l’accroissement de la concentration des hommes et des richesses. On parle aussi Ă  ce sujet de ville globale. La mĂ©tropolisation dans le cas prĂ©sent implique la cogestion de certaines matières « transrĂ©gionales » avec des partenaires non bruxellois.